Le cœur a ses raisons, dit-on. On entend palpiter l'âme antique de l'Albanie aux deux pointes extrêmes de la Riviera Albanaise: à Apolonia tout autant qu'à Butrint et ce sont bon nombre de nos compatriotes européens qui auront porté la survie de ces centres névralgiques de l'intellect illyrien puis albanais à bout de bras, pour le bonheur des passionnés des temps antiques. Le lien entre ces deux endroits, la mer...

Notre mer. Celle des Albanais. Comme si l'Albanie n'était pas seulement une terre encadrée par des frontières, mais qu'elle continuait par delà les vagues. Le regard se perd et on se dit qu'en face, il y a l'Italie. Combien d'Albanais ont regardé cet horizon en attendant que leur mer laisse apparaître les côtes voisines, quand le régime totalitaire est tombé, et qu'enfin, ils ne risquaient plus d'être abattu pour avoir tenté de sortir. Des milliers.

Maintenant, la mer fait glisser les bateaux de croisière de port en port jusqu'en Croatie, et ce ne sont plus les bunkers vides ou transformés en garde-meubles qui affrontent ce bleu azur, mais les discothèques, les resorts pour vacanciers locaux ou étrangers. L'été, leurs basses vibrantes répondent aux clapotis de leur mer, où seule la lune éclaire les chemins escarpés. Le jour, des villageois abrités par les falaises vendent du thé des montagnes, du miel et des fruits. Les cerises sont tressées sur des branches sacrifiées pour faciliter la transaction. Les abeilles butinent et même les plus sceptiques se laisseront séduire par le fruit de leur besogne à laquelle contribuent les apiculteurs, connaisseurs et amoureux.

En dehors des voitures qui longent cette route, le silence règne et ne se fera pas déloger. Les Romains étaient là et la mer était plus basse. Qu'est-ce qui a permis à cette eau profonde de mordre sur leur terre ? Les montagnes ne se laisseront pas persuader, gardiennes de secrets. Le territoire des Illyriens est scellé pour de longs siècles à venir. Les routes à flanc de falaise chatouillent ces dames de roche et nous y sommes...

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Jules César avait compris que la terre des Illyriens offraient de merveilleux avantages sur les mers Adriatique et Ionienne, le Corse le plus célèbre de l'histoire de l'humanité aussi. Ils n'étaient pas les seuls. Quand le Sud de l'Albanie et le Nord de la Grèce sont devenus la région de l'intellect et du pouvoir, combien de consuls ont arpenté cette route ? Et combien d'artistes ont recueilli ce que la nature a de plus beau à offrir pour l'exposer sur des chefs d’œuvre aujourd'hui hébergés dans les plus grands musées du monde ? Ces derniers ont dû être saisis d'humilité, la même que les badauds de notre temps. C'est un jeu de séduction infini qui se joue entre des pans gigantesques de roche plus ou moins étoffée de vert et nos yeux d'enfants, accaparés et engloutis par l'idée que nous sommes si petits comparés à ces imposants paysages.

Tout en bas de cette route entortillée sur elle-même s'offre l'azur de la mer. A cette étape des choses, on a envie de descendre et de laisser aller le bruit de nos pensées s'échouer sur l'horizon. Quand on est parvenu aux rivages tranquilles de la Mer Ionienne, on n'a plus besoin d'aller ailleurs. Isadora Duncan, danseuse étoile des années folles s'était recueillie en cet endroit pour faire le deuil de ses enfants morts tragiquement à cause de l'insouciance de sa domestique. Derrière notre mer, il y a Corfou, Sisi l'Impératrice et l'Europe. Serait-ce alors un paysage efféminé, c'est tout le contraire.

La mer lèche allègrement tous ces endroits si radicalement opposés les uns aux autres, mais elle les choie autant qu'une mère chérit ses enfants. La mer est à la terre ce que le sang est à la famille.

Auteur: Amélie Gicquel